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lundi 15 janvier 2018

"Les Croix de bois" de Raymond Bernard (1932) avec Charles Vanel, Pierre Blanchard, Gabriel Gabrio, Harry Baur

Nouvelle découverte stupéfiante. 

Tout bonnement le meilleur film de guerre français que j'ai jamais vu. 
A montrer à tous les gamins : elle leur donnera une idée de ce qu'était cette guerre et comment, en quelque sorte, elle a inventé toutes celles à venir (y compris l'actuelle, la guerre urbaine).
De ce film anti-militariste, hommage funèbre aux poilus, se dégage une noblesse d’approche toute française (un peu rigide) sur la condition du soldat, ses sacrifices. 

Film très singulier dans sa forme, très libre ; incroyable d'audace formelle et de modernité. Très stylisé (d'aucuns diront trop*). Et j'aime beaucoup ce style en l'occurence : réaliste, voire naturaliste, avec des échappées surréalistes.
Découverte de ce réalisateur français, Raymond Bernard, qui crée un univers plastique, avec une majorité de plans de nuit, des noir et blanc contrastés, des cadrages au cordeau, une excellente utilisation du format de l'image**, beaucoup de contre-jours,
de contre-plongées et des plans surréalistes comme celui sur le cadavre du soldat tombé lors de la première bataille, plan fixe avec une lumière mouvante étrange (ci-contre).

Et quelle bande-son inouïe pour l'époque ! Bon, les dialogues sont parfois peu perceptibles, mais le bruitage est étonnant, autant les bombardements, que les ambiances simples, toujours empreintes d'une composante surréaliste imperceptible.
Les scènes de combats sont impressionnantes

Si l'interprétation de Pierre Blanchar est parfois outrancière, j'ai beaucoup aimé son personnage de Gilbert Demachy. A la fois très naïf et issu d’une autre milieu que ses camarades (étudiant en droit alors que les autres sont pâtissier, ouvrier). Demachy représente peut-être la position de Raymond Bernard sur une réalité qu'il n'a pas connue, mais qu'il dépeint de l’intérieur, grâce à tous ses collaborateurs. A commencer par Roland Dorgelès, l'auteur du roman éponyme, paru en 1919. Dans son livre - qui aurait obtenu le prix Goncourt s'il n'y avait eu également en lice "A l'ombre des jeunes filles en fleurs" de Proust, Dorgelès s'inspirait de sa propre expérience de la première guerre mondiale. Quant aux acteurs des Croix de bois, la plupart avaient combattu. Même les figurants ont été choisis selon ce critère.


La scène la moins réussie peut-être est celle dans l’église, où une messe est filmée avec une certaine rigidité et où un chantre donne une interprétation crèmechantillesque de l'Ave Maria. Dans cette scène, le regard de Bernard semble critique, distancié, et le ridicule du chant est peut-être voulu. Pourtant le son de l’Ave Maria est gardé en sourdine dans les plans sur les blessés soignés juste à côté du chœur.

A noter l'apparition hallucinée d'Antonin Artaud en soldat déjanté et le réalisateur Christian-Jaque en lieutenant.

*Une critique de Télérama parle de symbolisme outrancié et de kitsch.
***Le film est présenté dans son format original de 1.19:1, qui se substitua au format 4/3 pour les premiers films parlants, pour laisser l’espace nécessaire à la piste optique du son.

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