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mercredi 30 mars 2011

"Do the right thing" de Spike Lee (1989) avec Danny Aiello, Spike Lee, John Turturro, Richard Edson, Giancarlo Esposito

Le temps passe… J'avais pris ce film en pleine figure à sa sortie il y a… 22 ans (glurps) ! Spike Lee, John Turturro étaient jeunes ! Certains seconds rôles ont joué ensuite dans des séries cultes ("The Sopranos", "The Wire").
"En pleine figure" : le film revendique la violence délibéré du coup de pied dans la fourmilière du melting pot new yorkais… Après un générique ressenti à l'époque comme incroyablement "punchy", où Rosie Perez (ci-contre) danse furieusement sur "Fight the Power" (le morceau de rap inégalé de Public Enemy),  les premiers mots du film, dits par le DJ radio, Mister Senior Love Daddy (Samuel L. Jackson) sont :"Wake up ! Wake up ! Up you wake !".
Spike Lee (qui joue Mookie) veut nous réveiller, ou en tous cas réveiller ses "nigga brothers", mais il a toujours sa fossette aux joues, et son film ne se présente pas comme un manifeste politique, mais sous la forme sympathique du conte mâtiné de références cinéphiliques : esthétique de comédie musicale off-Broadway -à Brooklyn- ; Radio Raheem (Bill Nunn, ci-contre) et son "Love/Hate" de "The Night of the Hunter".
Ce choix esthétique passe par la musique (cordes jazzy qui accompagnent Mookie, le livreur de pizzas), les couleurs "irréelles" (filtres jaune, orange, rouge), les cadrages débullés.

A propos du travail formel, voici encore la preuve que rien ne remplace l'argentique : la copie numérique ne restitue pas correctement la photo.
Autre "gêne technique" qui n'est peut-être pas due à la copie numérique : le son direct dans les scènes d'intérieur garde une réverb un peu "cheap" et manque de chaleur, de profondeur, de souffle.
Spike Lee semble aussi avoir été contaminé par la paresse de ses protagonistes lorsqu'il lui a fallu exprimer la chaleur suffocante de ce "dog day" new yorkais : il utilise les figures classiques des gros titres des journaux et des diverses combines pour trouver un peu de fraîcheur (bières glacées, bouches d'incendie détournées etc…).

En revanche, son scénario (chronique d'une journée) sait bien faire monter les tensions raciales dans la cocotte-minute du quartier de Bedford Stuyvesant.
Jusqu'à cette scène d'amour où Mookie chauffe à blanc sa copine Tina (Rosie Perez) pour finalement lui demander de l'attendre jusqu'au soir… Au passage, j'ai trouvé cette scène supposée "hot" un peu ratée : Spike/Mookie utilise un glaçon avec une sorte de détachement intellectuel peu émoustillant. Mais la scène finit tout de même sur un plan quasiment abstrait, simple et inédit : leurs bouches de profil, avec la silhouette des grosses lèvres charnues de Spike Lee au premier plan.

Tout reste dans une agressivité somme toute contenue, "civilisée" ou bon enfant… jusqu'au climax, l'explosion finale.
Lee arrive ainsi à rester dans le registre léger du conte pendant presque tout le film. 
Par ailleurs, ce qui me frappe dans cette retenue, c'est qu'en vingt ans, le monde et sa représentation sont devenus bien plus violents. Rien que la danse du générique de début fait un peu pâle figure à côté des performances hallucinantes d'agressivité des "krumpers" filmés par David LaChapelle en 2005 dans son documentaire "Rize". 

On sent que Spike Lee est en ébullition dans sa tête. Mookie est toujours dérangé dans les moments où il pourrait établir une relation d'intimité : dans la rue, ou au téléphone avec sa copine, qui se plaint de son comportement fuyant. "I got a lot of things in my mind", lui explique le livreur de pizzas / réalisateur.

Quant à la position politique de Lee, de Mookie, de Mookie/Lee, elle n'est pas très claire, et peut-être que Spike Lee veut nous laisser le choix, avec ses deux citations avant le générique de fin. Pour moi Mookie n'a pas fait "the right thing",  et je ne suis pas d'accord pour saupoudrer sur la vision pure, idéaliste, vraie et authentiquement révolutionnaire de Martin Luther King (un des vrais maîtres à penser du XXè siècle, avec Gandhi) les considérations "réalistes" de Malcolm X.
Le droit à la violence en cas de légitime défense ? Il n'y a qu'à voir le film pour constater que c'est une notion vague qui laisse la place à toute sorte d'interprétation.

En tous cas, la provocation de Spike Lee marche encore, et la problématique qu'il aborde dans ce film n'a rien perdu de son actualité en France, où le vivre ensemble a été sérieusement mis à mal depuis 1989.
Il paraît que les époux Obama aurait vu "Do the right thing" lors de leur premier rendez-vous !

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